Une Ordonnance de référé du TGI de Bordeaux du 30 juin 2014 a suscité des frayeurs chez les blogueurs cet été. En effet, l’Irrégulière, une blogueuse notoire de la critique culinaire a publié un article sur son site internet Cultur’elle à propos d’un restaurant italien, dans lequel elle avait déjeuné au Cap Ferret. La jeune femme n’a pas caché a ses followers qu’elle considérait que l’accueil et le service du restaurant avait été selon elle de qualité médiocre et elle titre sa critique : « l’endroit à éviter ». Le blog étant assez connu et facilement trouvable au nom du restaurant grâce au moteur de recherche google, les dirigeants ont été rapidement informés de cette publication. Ils ont décidé d’agir en justice contre la blogueuse pour dénigrement de leur établissement.
Qu’est ce que le dénigrement ?
Cela consiste en un abus de critique envers une entreprise ou un produit les discréditant aux yeux du public, qui peut être constitutif d’une faute qu’il faut réparer au sens de l’article 1382 du code civil.
Cet abus se distingue de la diffamation qui est un délit de presse visant à réprimer les atteintes à l’honneur ou à la considération d’une personne. À noter également que les délais de prescription ne sont pas les mêmes. Pour un dénigrement le délai de prescription est de 5 ans tandis que pour la diffamation il est de 3 mois.
Le dénigrement consiste à jeter le discrédit sur les qualités ou les propriétés d’un produit. Le manque d’objectivité ou d’impartialité dans sa critique peut constituer un acte de dénigrement, tout comme le fait de critiquer sans alléguer de faits précis. L’intention de nuire est également retenue pour caractériser le dénigrement.
Dans le cas présent, le TGI a considéré que la blogueuse avait en utilisant le titre « un endroit à éviter » posé « de manière péremptoire une conclusion univoque sur un incident, a pour objet de dicter une conduite d’évitement aux nombreux followers et tout internaute consultant (…) »
Ce titre a porté une atteinte grave à l’image et à la réputation du restaurant peut on lire également dans la décision, de nombreux followers ayant annoncé leur décision d’éviter le restaurant.
Le Tribunal relève également l’intention de nuire de la blogueuse qui avait annoncé que mécontente du restaurant elle rédigerait un article très méchant.
Dans cette ordonnance en référé datée du 30 juillet 2014, les juges ont considéré que le titre de l’article, « L’endroit à éviter », facilement trouvable sur google en tapant le nom du restaurant constituait un trouble manifestement illicite qu’il convenait de faire cesser en ce qu’il porte « une atteinte grave à l’image et à la réputation » du restaurant. La blogueuse a été condamnée a le retirer de son blog, mais aussi de son emplacement google dans un délai de 5 jours sous peine d’astreinte.
Les juges ont également condamné la blogueuse a payer aux restaurateurs une provision de 1500€ à valoir sur l’indemnisation du préjudice économique subi et 1000 euros pour frais de procédure.
Comment bloguer sans prendre risque ?
On peut d’une manière simplifiée retenir que lorsque que l’on parle d’un produit, d’un service ou d’une entreprise, il faut s’assurer que la critique soit argumentée et ne constitue pas une consigne brutale et sans nuance susceptible d’être suivie sans discernement par les internautes et de créer un dommage notamment une perte de clientèle. On peut quand même s’interroger sur l’incapacité supposée des internautes à faire oeuvre de discernement….
D’ailleurs, le contenu de l’article lui-même n’a pas été censurée, le juge ayant considéré qu’il relate une expérience personnelle et à ce titre relève de la liberté d’expression.
Enfin attention au dénigrement sur son blog, d’un concurrent ou d’un ex-employeur
Un agent d’assurance révoqué avait divulgué des informations inexactes et trompeuses quant à la volonté des sociétés d’assurances de le spolier de ses droits ainsi que sur la politique de l’entreprise et la rémunération des dirigeants sur son blog personnel. Dans une décision du 27 novembre 2013 dans laquelle, la Cour de cassation a approuvé la cour d’appel pour avoir considéré que ces publications accessibles par tous constituaient un dénigrement mais aussi un acte de concurrence déloyale puisque ses commentaires sur le net ont fait perdre des clients à l’entreprise au profit de ses concurrentes. Une publication encore plus lourde de conséquences pour le blogueur condamné à indemniser la société à hauteur de 50 000 euros.