Par une décision en date du 19 octobre 2016 (req. n°391538), le Conseil d’Etat a précisé l’obligation d’information incombant aux professionnels et établissements de santé.
En l’espèce, une patiente avait conservé des séquelles sensitives et motrices à la jambe gauche à la suite d’une anesthésie locale pratiquée dans un centre hospitalier.
Le Tribunal administratif, et par la suite la Cour administrative d’appel, a condamné le centre hospitalier en jugeant qu’il n’avait pas informé la patiente du risque opératoire qui s’est réalisé et par conséquent lui avait fait perdre une chance d’éviter le dommage qui en est résulté.
L’article L.1111-2 du code de la santé publique prévoit que toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte notamment sur les différentes investigations ou traitements proposés et les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent.
La référence légale aux risques graves normalement prévisibles exclue-t-elle les risques exceptionnels du champ du devoir d’information ?
Le Conseil d’Etat, qui reste dans sa lignée jurisprudentielle et dans celle de la Cour de Cassation (1ère Civ. 7 octobre 1998, n° 97-10.267 ; CE 24 septembre 2012 n° 339285 ; CE 3 février 2016 n° 376620), répond négativement et juge en l’espèce que « la circonstance qu’un risque de décès ou d’invalidité répertorié dans la littérature médicale ne se réalise qu’exceptionnellement ne dispense pas les médecins de le porter à la connaissance du patient. »
Ainsi par le présent arrêt il précise davantage les risques qui doivent être portés à la connaissance du patient : ce sont les risques connus de l’acte médical pratiqué (répertoriés dans la littérature médicale) qui soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence.
En l’espèce, les paralysies pouvant survenir à la suite d’anesthésies locales telles que celle pratiquée sur la patiente constituent des risques certes exceptionnels (à hauteur de 0,1 % des cas pour des paralysies transitoires et 0,02% des cas pour des paralysies définitives) mais des risques graves et prévisibles au sens de l’article précité, qui auraient dû être portés à sa connaissance.
Par la suite, le Conseil d’Etat précise que lorsque le juge constate un défaut d’information relatif à un risque grave qui s’est réalisé, il « doit tenir compte du caractère exceptionnel de ce risque et de l’information relative à des risques de gravité comparable qui a pu être dispensée à l’intéressé, pour déterminer la perte de chance qu’il a subie d’éviter l’accident en refusant l’accomplissement de l’acte. »
Le Conseil d’Etat s’attache donc à considérer que la perte de chance s’apprécie de façon globale en contrebalançant le risque exceptionnel qui s’est réalisé et celui qu’aurait pu éventuellement subir la patiente si elle avait refusé l’acte médical en cause.
C’est ainsi que le pourvoi formé par le centre hospitalier est rejeté et qu’il se trouve condamné, pour défaut d’information, à réparer à hauteur de 50% le dommage corporel subi par la patiente. Le solde restant étant mis à la charge de l’ONIAM au titre de la solidarité nationale.
Cynthia PERRET
Carole YOUNES